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Le miracle de la fermentation alcoolique

D’abord cette odeur forte et envoûtante, puis cette douce chaleur et, enfin, lorsqu’on s’approche des cuves, on peut entendre le moût bouillonner. Un phénomène vigoureux, fascinant, presque animal est en train d’avoir lieu: le miracle de la fermentation.

Heureusement, on peut aujourd’hui expliquer ce phénomène sans faire appel aux croyances d’une intervention divine. Le processus de la fermentation alcoolique n’en est pas moins extraordinaire, magique.

Comment ça marche ?

De manière générale, la fermentation modifie le jus de raisin qui devient du vin. La fermentation alcoolique désigne ainsi le processus par lequel les levures transforment les sucres en alcool, produisant du même coup du gaz carbonique et dégageant de l’énergie sous forme de chaleur. On parle de fermentation complète et de vins secs lorsque tous les sucres ont été mangés et de fermentation incomplète et de vins non secs (doux, moelleux, liquoreux, etc.) lorsqu’il y a des sucres résiduels.

Les deux acteurs principaux de la fermentation alcoolique sont donc les sucres et les levures. Les sucres se trouvent évidemment dans le raisin qui est, par ailleurs, l’un des fruits les plus sucrés. Les levures sont bien plus mystérieuses. Il en existe une très grande variété, certaines dont le développement est souhaité, d’autres dont le développement est craint. Il s’agit de champignons microscopiques qui se trouvent sur les peaux des baies de raisin et dans les caves. Ce dernier point n’est pas sans importance. En effet, selon Max Léglise, « […] la principale source de levures se trouve à l’état sporulé dans les caves et le matériel vinaire. Outre qu’on peut le vérifier sur place, une autre preuve en est : lorsqu’on crée un vignoble dans un pays éloigné qui n’en a jamais eu, et avec du matériel neuf, les premières fermentations sont extrêmement laborieuses ». Les producteurs de vins naturels veillent donc à avoir une hygiène irréprochable en cave afin de ne pas développer des mauvaises souches de levures.

Les levures indigènes

Les vignerons qui produisent du vin naturel utilisent des levures indigènes, c’est-à-dire les levures qui se trouvent naturellement sur leurs raisins et dans leurs caves. A ce propos, il convient de noter qu’il existe également des levures sélectionnées qui permettent non seulement d’un peu mieux maîtriser le processus de fermentation mais aussi, selon les types, de déterminer à l’avance les arômes et goûts du vin.

Pas de chaptalisation

Si les vignerons qui produisent du vin naturel utilisent exclusivement des levures indigènes, il n’est pas inutile de préciser qu’ils n’ajoutent pas de sucre à leurs moûts. En d’autres termes, ils ne chaptalisent pas. Ils acceptent les teneurs en alcool que leurs vins produisent naturellement et renoncent donc à ajouter du sucre de betterave ou du moût de raisin rectifié pour augmenter la concentration en sucre et, par conséquent, le degré d’alcool. Cela explique pourquoi les vins naturels ont souvent des degrés d’alcool plus bas que les vins conventionnels. En effet, il n’est pas rare de boire des rouges à 11% vol.

Fournir des conditions optimales aux levures indigènes

En réalité, les vignerons vous le diront, il n’est pas possible de complètement maîtriser la fermentation des vins naturels. Une fois qu’elle a commencé, elle peut seulement aller dans une direction. En fait, c’est assez logique, ce sont les levures qui travaillent et elles peuvent connaître des développements exponentiels. Elles sont un peu comme des Gremlins : on peut seulement essayer d’éviter les dérapages en encadrant leur « reproduction ». Il y a en particulier deux éléments à surveiller et sur lesquels on peut agir : l’aération et la température.

Les levures ont besoin d’oxygène pour se multiplier. Par conséquent, l’oxygène est nécessaire à la fermentation alcoolique, en particulier à son démarrage. Si on prive les levures d’oxygène, on peut donc ralentir leur multiplication (à ce propos, voir notre article sur la macération carbonique). On rappellera que les vignerons qui produisent du vin naturel n’utilisent généralement pas de sulfites pour protéger le vin de l’oxydation. Ils auront donc tendance à limiter les apports en oxygène, ce qui allonge parfois la durée de fermentation.

Il faut ensuite veiller à avoir une température adéquate durant la fermentation. S’il fait trop froid, les levures vont s’engourdir et ne travailleront pas. A l’opposé, si la température monte trop rapidement alors la cuve risque de faire de l’« autoallumage » et d’atteindre des températures trop hautes, températures auxquelles les levures souffriront et refuseront de travailler. Pour les vins rouges, on considère généralement que la température idéale se situe entre 25°C et 30°C ; pour les vins blancs, entre 18°C et 20°C.

La fermentation alcoolique des vins naturels

Si la fermentation des vins naturels n’est pas fondamentalement différente de la fermentation des vins conventionnels sur le plan de la transformation biochimique, il y a cependant des différences notables qui auront un impact sur le goût. D’abord, les vignes n’ayant pas été traitées, les vignerons bénéficieront de suffisamment de levures indigènes et n’auront pas recours aux levures sélectionnées avec leur effet voulu ou pas sur le goût. Ensuite, les raisins étant récoltés à la main, il ne sera pas nécessaire de les récolter de manière précoce pour permettre une vendange mécanisée. Ils seront donc récoltés à maturité, avec suffisamment de sucre, et pourront se passer de chaptalisation. Enfin, les vignerons n’utilisant pas de sulfites, ils ne pourront pas aérer les moûts autant que les levures le souhaiteraient, ce qui pourra entraîner de la réduction, un phénomène bien connu des consommateurs de vins naturels.

Lâcher la grappe

En résumé, si la fermentation est un processus complexe, il échappe encore plus au vigneron qui produit du vin naturel qu’au vigneron qui produit du vin conventionnel. Il devra faire confiance à ses raisins, des raisins qu’il aura récoltés au meilleur moment afin qu’ils aient en eux tout ce qui est nécessaire pour faire un bon vin. Il pourra les accompagner dans leur transformation, doser l’oxygénation, régler la température mais, en réalité, il devra surtout s’armer de patience et assister, tour à tour inquiet et admiratif, à ce qu’ils deviennent.

 

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